L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique – Walter Benjamin

Introduction

Je vous propose ma lecture de la semaine : L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique de Walter Benjamin. Ce texte est très important pour l’art. Personnellement, il s’agit de l’un des essais qui m’a le plus marqué durant mes études. C’est pourquoi j’ai décidé de partager son résumé avec vous ici.

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couverture du livre l'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique de Walter Benjamin

Qu’est-ce que L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique ?

L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, écrit par Walter Benjamin en 1936, est un essai qui est devenu une référence majeure dans le domaine de la théorie de l’art et de la culture.

Dans cet essai, Benjamin explore les implications des nouvelles technologies, comme la photographie et le cinéma, sur la production et la perception de l’art.

Il est essentiel de comprendre que cette étude, lors de sa parution, avait pour objectif de mettre en évidence les dangers liés à la valorisation cultuelle de l’œuvre d’art, telle qu’elle était utilisée par le fascisme. Cependant, l’essai de Walter Benjamin permet également de mettre en lumière les nouvelles caractéristiques de l’œuvre d’art reproductible et son importance sociale.

Auteur

Walter Benjamin, né en 1892 et décédé en 1940, était un philosophe, critique littéraire et théoricien culturel allemand. Tout au long de sa vie, il a parcouru et vécu dans plusieurs villes européennes, notamment Paris, où il a été influencé par les mouvements artistiques et littéraires de l’époque.

La vie de Benjamin a été marquée par les troubles politiques de son époque. En tant que critique implacable du nazisme, il a dû fuir l’Allemagne en 1933. Il a vécu en exil en France, où il a continué à écrire et à s’engager politiquement. En 1940, Benjamin a tenté de fuir en Espagne alors que l’armée allemande se rapprochait de Paris. Bloqué à la frontière et confronté à une arrestation imminente, il a mis fin à ses jours en ingérant du poison.

Voici quelques-uns des ouvrages les plus importants de Walter Benjamin :

  • Œuvres, 1972-1989
  • Paris, capitale du XIXe siècle, 1939-1940
  • Passages, 1982-2000
  • Sur le concept d’histoire, 1940

L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique

Chapitre I

L’œuvre d’art a toujours été reproductible. La peinture en est un bon exemple, car les peintres ont souvent reproduit des tableaux pour s’exercer ou pour proposer des exemplaires supplémentaires de leurs propres œuvres.

Ce qui bouleverse l’art, c’est la reproductibilité technique. Elle apparaît à plusieurs moments au cours de l’histoire, mais à chaque fois, elle gagne en puissance. Un exemple en est l’utilisation par les Grecs de procédés techniques tels que la fonte et l’empreinte pour produire de la monnaie en masse. Cependant, l’apparition de la gravure sur bois, suivie de la gravure à l’eau-forte sur plaque de cuivre, permet aux images graphiques d’être reproduites en série pour la première fois.

Néanmoins, la véritable révolution et évolution se trouve certainement dans la rapidité de la reproduction qui naît avec la photographie. Il faut désormais très peu de temps pour reproduire une image. Non seulement le temps, mais aussi le geste de l’artiste à travers son savoir-faire sont remis en question.

Chapitre II

La reproductibilité technique ne possède pas une caractéristique essentielle de l’œuvre d’art, ce que Walter Benjamin appelle le hic et nunc ou le « ici et maintenant ». En d’autres termes, il s’agit de l’unicité de l’existence de l’œuvre d’art dans le lieu où elle se trouve. Le hic et nunc permet de déterminer le concept d’authenticité de l’œuvre d’art.

La reproduction manuelle ne répond pas aux mêmes conditions du hic et nunc, car dans ce cas, il s’agit d’une contrefaçon. En ce qui concerne la reproduction technique, le hic et nunc est altéré pour deux raisons.

– La première raison est que la reproduction technique offre la possibilité de révéler des aspects de l’original invisibles à l’œil nu, grâce à des procédés techniques tels que les agrandissements ou les ralentis.

– La deuxième raison est que la reproduction technique permet de déplacer le « reflet de l’original » dans un autre contexte. Ainsi, on peut déplacer la reproduction d’une toile dans son intérieur ou encore écouter une œuvre symphonique dans son salon. La nature de l’œuvre d’art reste alors intacte, mais son hic et nunc est modifié.

En dérobant l’œuvre d’art à son contexte historique, nous modifions quelque chose d’important : son autorité. Cette autorité va de sa durée matérielle à son pouvoir d’évocation historique. C’est ce que Benjamin appelle l’aura.

Chapitre III

La perception sensible n’est pas uniquement conditionnée par la nature, mais également par l’histoire. En d’autres termes, nos émotions face à un événement ou une œuvre artistique sont influencées par les événements historiques de notre époque et notre culture. Les bouleversements sociaux sont donc à l’origine d’une perception sensible différente.

Dans notre cas, la transformation des moyens de perception peut être considérée comme la ruine de l’aura.

Le déclin de l’aura est lié à deux circonstances :

– La première consiste à vouloir rapprocher les choses de manière spéciale à soi.

– La deuxième est la tendance à vouloir vaincre l’unicité en recherchant une reproduction.

L’idée est que le besoin de posséder un objet et de créer une proximité intime avec lui devient de plus en plus irrésistible.

En reproduisant en masse, l’aura se dégrade. Ainsi, l’objet unique, c’est-à-dire l’original, disparaît dans la masse, modifiant ainsi notre façon de penser.

Chapitre IV

À l’origine, l’œuvre d’art, telle qu’une statue antique par exemple, remplissait une fonction rituelle ou cultuelle. C’était grâce à son unicité et à l’aura qu’elle dégageait qu’elle possédait cette puissance. L’œuvre d’art avait alors une valeur d’usage, car elle servait à des fins cultuelles. Même plus tard, lorsque l’art s’est éloigné du domaine religieux pour entrer dans le domaine profane, la valeur cultuelle demeurait présente à travers la notion de beauté.

L’avènement de la photographie et la doctrine de l’art pour l’art annoncent la crise à venir : l’art se veut désormais dépourvu de fonctions sociales, dénué d’utilité et donc sans valeur cultuelle. L’œuvre d’art devient de plus en plus une œuvre créée pour sa propre production.

Ainsi, sans la possibilité d’évaluer une œuvre selon son critère d’authenticité, toute la fonction sociale de l’art est bouleversée. De son rôle esthétique et cultuel, elle se transforme en un rôle politique.

Chapitre V

La réception d’une œuvre d’art oscille entre deux pôles : la valeur cultuelle et la valeur d’exposition.

Auparavant, une œuvre d’art trouvait un juste équilibre entre sa valeur de culte et sa valeur d’exposition. Par exemple, une statue grecque représentant une divinité était ancrée dans un lieu spécifique, tel qu’un temple. Il était alors difficile de la déplacer sans altérer son sens.

Un autre exemple intéressant pour mieux comprendre la relation entre la valeur de culte et la valeur d’exposition est celui donné par l’auteur, à savoir le tableau peint par Raphaël intitulé La Madone Sixtine en 1512. Sur ce tableau, on peut observer la Vierge Marie descendant du ciel avec de chaque côté des rideaux en trompe-l’œil. Ce tableau a été conçu et créé pour un événement particulier et un lieu spécifique, à savoir la chambre funéraire du pape Sixte. Il faut alors imaginer le tableau sous une arche, derrière le cercueil papal. La Madone apparaît ainsi comme descendant du ciel pour venir à la rencontre du pape. La peinture avait alors cette fonction cultuelle sacrée, et sa valeur d’exposition était liée à un lieu et à un moment précis.

Avec les nouvelles méthodes de reproduction technique des œuvres d’art, les possibilités d’exposition se sont multipliées, modifiant et transformant leur nature. En devenant plus importante que la valeur de culte, la valeur d’exposition a révélé une fonction essentielle de l’œuvre d’art : la fonction artistique.

Chapitre VI

La photographie a mis en avant la valeur d’exposition, mais la valeur cultuelle subsiste encore dans une certaine mesure. Cette valeur cultuelle est particulièrement visible dans les portraits photographiques, où la présence de figures humaines évoque une certaine nostalgie, semblable à un souvenir.

Cependant, lorsque la photographie de paysages prédomine, surtout lorsqu’elle ne comprend pas de présence humaine, c’est bel et bien la valeur d’exposition qui prend le dessus.

Exemple de photo d'art à l'époque de sa reproductibilité technique d'après Atjet
Rue des Lombards, Atget Eugène, 1910
Exemple de photo d'art à l'époque de sa reproductibilité technique d'après Atjet
Le Panthéon, Atget Eugène, 1924

Chapitre VII

Le 19ème et le 20ème siècle n’ont pas pleinement saisi la transformation de la fonction de l’art qui était en jeu. De nombreuses querelles ont éclaté quant à la valeur artistique des productions, opposant notamment la peinture à la photographie.

Pendant ce temps, certaines personnes ont cherché à légitimer le cinéma et la photographie en recherchant dans ces formes artistiques une valeur cultuelle.

Selon d’autres critiques, tel que Franz Werfel, « le cinéma n’avait pas encore exploité toutes ces possibilités ». Il avait encore à démontrer au monde sa « force de persuasion incomparable ».

Chapitre VIII

La manière dont est présentée la performance artistique d’un acteur de cinéma par rapport à celle d’un acteur de théâtre engendre deux conséquences :

– La première conséquence réside dans le fait que la performance de l’acteur est fragmentée par les jeux de caméra et le montage.

– La deuxième conséquence est que l’acteur de cinéma ne peut pas adapter sa performance à son public.

Le public ne peut pas s’identifier à l’acteur lui-même, mais s’identifie plutôt à l’appareillage utilisé pour créer la performance. Ainsi, une distanciation se crée entre l’acteur et le public, ce qui est incompatible avec la valeur cultuelle.

Chapitre IX

Contrairement au théâtre, le cinéma ne propose que la présence même de l’acteur. Celui-ci ne fait qu’effectuer des performances isolées qui n’ont pas d’unité, mais qui sont ensuite assemblées pour donner l’illusion d’une continuité. En revanche, l’acteur de théâtre incarne son personnage et s’adapte à son public pour jouer son rôle d’une seule traite.

L’acteur de cinéma semble alors dépourvu de son incarnation et de son personnage, ainsi que de son aura. Il ne propose qu’une performance par intermittence de l’appareillage, le privant ainsi de l’ici et maintenant.

Chapitre X

Le cinéma offre une image de l’acteur, un reflet purement artificiel. Il transforme cette image de l’acteur en une personnalité, une star dont la valeur marchande provient non seulement de son travail, mais aussi de son image. La valeur cultuelle semble alors se déplacer de l’œuvre d’art vers l’individu.

Cependant, la société capitaliste fait tout son possible pour faire croire et espérer une ascension sociale. Par exemple, à une époque où le nombre d’écrivains était très limité, les éditorialistes ont introduit le courrier des lecteurs. Aujourd’hui, même le texte d’un illustre inconnu peut être lu comme celui d’un écrivain, donnant ainsi à la masse le droit de critiquer comme les professionnels. Nous sommes en quelque sorte tous devenus des « demi-experts ».

Cela peut être transposé au cinéma, où un passant peut devenir un figurant. Cependant, cela reste illusoire car la personne demeure toujours la même et son apparition à la télévision ne change rien à sa valeur.

Hollywood fabrique des stars en déplaçant le culte de l'art sur l'acteur

Chapitre XI

Lorsque nous assistons à une pièce de théâtre, nous savons qu’il s’agit d’une performance artistique, mais il y a un moment où il devient tout simplement impossible de se rendre compte que ce qui se déroule sur scène est illusoire. En revanche, dans le cinéma, cette illusion se produit en post-production. Face à un film, nous oublions les procédés techniques de sa création. La réalité illusoire créée est ainsi libérée de son lien avec la machine.

Le cinéma parvient à nous montrer une réalité détaillée et plus profonde. À travers son appareillage, il pénètre directement dans la réalité pour la modifier et « pénétrer son tissu ». En revanche, le peintre nous montre des images tirées d’une réalité donnée sous la forme d’un tout.

Le peintre maintient une certaine distance avec la réalité, tandis que le cinéma cherche à en rendre quelque chose de complètement modifié. La réalité immédiate devient alors « fade », « naïve », voire « fleur bleue ».

Chapitre XII

La reproductibilité technique de l’œuvre d’art modifie le rapport que les masses entretiennent avec l’art. Comme le disait Benjamin, « Le public est plus rétrograde à l’encontre d’un Picasso que vis-à-vis d’un Chaplin. ».

La diffusion généralisée de l’art engendre, comme nous l’avons constaté, une attitude de spécialiste de la part du public. Cependant, le plaisir de contempler et de ressentir se mêle à cette attitude. Plus nous sommes habitués à quelque chose de conventionnel, plus nous l’apprécions sans jugement. En revanche, plus quelque chose nous dépasse, plus nous le « jugeons avec répugnance ».

Cette expertise du public et le désir de donner son avis découlent de l’exposition généralisée à l’art. Le cinéma a cette capacité de susciter une réception collective où les réactions sont plus largement partagées. Cependant, ce n’est pas le cas de la peinture qui, historiquement, n’était pas conçue pour être exposée en masse. La peinture était partagée en petit groupe et lors d’occasions spécifiques. C’est pourquoi « le public est plus rétrograde à l’encontre d’un Picasso que d’un Chaplin. »

Chapitre XIII

Le cinéma a cette faculté, à travers la caméra et ses caractéristiques, de nous montrer l’inconscient et de l’analyser de manière similaire à la psychanalyse.

La caméra, avec ses différents points de vue, ses ralentis et ses accélérations, permet de prolonger le temps et d’explorer ce qui se passe pendant ces moments imperceptibles dans la réalité.

Cet extrait du texte est un très bon moyen de conclure ce chapitre : « Ainsi, pour la première fois, nous faisons l’expérience de l’inconscient optique de la même manière que nous explorons l’inconscient pulsionnel à travers la psychanalyse. »

Chapitre XIV

L’une des principales missions de l’art a toujours été d’être en avance sur son temps, cherchant à développer des techniques qui deviendront aisément réalisables dans le futur.

Prenons l’exemple du cinéma, où des artistes ont créé des folioscopes (flip books). Les images se succédaient grâce à la pression du pouce sur le carnet. Aujourd’hui, avec le cinéma, cette succession d’images est techniquement très facile à réaliser.

Le mouvement Dada, important par sa volonté de supprimer et de remettre en question les normes sociales et intellectuelles à travers le collage, la peinture, les poèmes et les représentations théâtrales, cherchait à divertir le spectateur en le submergeant de stimuli sensoriels.

Cependant, c’est le cinéma qui a réussi, grâce à sa capacité de succession de plans, à plonger le spectateur dans un flot incessant d’images et à devenir un art du divertissement.

Chapitre XV

Le cinéma est souvent perçu comme un divertissement, tandis que l’art, comme la peinture, est considéré comme un recueillement. De nombreux critiques critiquent le comportement des masses face au cinéma. C’est le cas de Duhamel, qui voit en les spectateurs de cinéma « des créatures misérables, abruties par leur besoin ». Il qualifie également cet art de « spectacle qui ne demande aucun effort » intellectuel.

Cependant, l’erreur réside dans la perception du cinéma comme un art du recueillement. Considérer que l’art est uniquement un recueillement est une mauvaise définition. Walter Benjamin donne l’exemple de l’architecture, qui n’est pas conçue pour le recueillement, mais pour la perception et l’utilisation. C’est un art auquel les masses se sont habituées en raison de sa présence dans l’espace public.

L’architecture est un bon exemple qui démontre que l’homme distrait, c’est-à-dire celui qui n’est pas attentif à une réception artistique, est capable de l’apprécier et de l’accepter.

Le cinéma a donc cette capacité de transformer la perception des masses. « Il repousse la valeur cultuelle non seulement parce qu’il incite le public à adopter une attitude d’expert, mais aussi parce que cette attitude ne requiert aucune attention particulière dans les salles obscures. ».

Epilogue

Selon Walter Benjamin, « la prolétarisation endémique des hommes d’aujourd’hui et l’éducation toujours améliorée des masses sont deux aspects d’un même phénomène ».

Le fascisme accorde une certaine liberté d’expression à son peuple, une illusion de liberté sans jamais remettre en question les « rapports de production et de propriété ». Il perpétue le culte d’un leader à travers l’appareillage.

L’esthétisation de la politique atteint son apogée avec l’esthétisation de la guerre. Cela devient un puissant moyen de propagande. Lorsque les masses voient à travers la caméra des foules entières acclamer la guerre esthétisée, elles deviennent alors partisanes de ce mouvement, leur donnant un objectif.

Comprendre la pensée de l’auteur

Benjamin ne ressent aucune nostalgie envers le déclin de l’aura, car il considère cette perte comme étant à l’origine même de la création artistique. D’après lui, les œuvres qui continuent de s’appuyer sur l’aura sont en réalité liées à des formes de domination politique qui esthétisent la vie.

L’art n’a jamais été autonome, mais toujours sous l’influence de valeurs extérieures telles que la religion. Ainsi, la perte de l’aura ne signifie pas la disparition de l’œuvre d’art, mais plutôt sa véritable existence.

Selon Benjamin, l’émergence du cinéma a modifié le comportement des spectateurs face à l’art. Les spectateurs ne sont plus passifs, mais les masses deviennent actives et participent à l’art et à son fonctionnement. Pour l’auteur, le phénomène de masse et la prolifération d’œuvres d’art permettent à l’art de se libérer de l’aliénation des masses.

Et pour l’art, que faut-il retenir ?

La reproductibilité technique, reflet d’une époque.

Un point essentiel de l’œuvre d’art dans sa reproductibilité technique réside dans le lien significatif établi entre l’art et la société. Ce lien peut être abordé selon deux perspectives.

L’œuvre d’art est liée à son époque, pour comprendre un peu plus ce lien, je vous conseille cet article : L’Histoire de l’art contemporain

Tout d’abord, il existe une étroite corrélation entre l’art et les avancées technologiques. L’art, en tant qu’avant-garde et processus de recherche, tente de trouver des réponses aux questions de son époque. Cela se traduit par des solutions artistiques et techniques qui deviendront ensuite réalisables facilement et à grande échelle.

Ensuite, notre perception sensible est profondément influencée par l’histoire et l’époque dans lesquelles nous vivons. Les œuvres ainsi créées sont le reflet de leur temps, que ce soit par la manière dont nous les percevons ou les sujets qu’elles abordent.

La reproductibilité technique pour voir le monde autrement

Les avancées technologiques ont ouvert des portes vers d’autres dimensions du réel, auparavant invisibles à l’œil nu.

L’utilisation de machines ou d’appareils nous permet d’explorer notre réalité de manière plus approfondie, révélant de nouveaux espaces.

Tout d’abord, il y a l’espace-temps, modifié par des techniques telles que les ralentis ou les accélérations. Le temps est ainsi compressé ou étiré, nous donnant accès à des instants et des lieux jusque-là inconnus.

Ensuite, il y a l’échelle de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, grâce aux processus de grossissement ou de réduction. De même, nous pouvons prendre de la hauteur et observer des plans d’ensemble depuis le ciel. L’espace de la réalité semble ainsi s’étendre à nos yeux.

Enfin, il y a le domaine de l’invisible, révélé par les machines, comme l’intérieur du corps humain avec les rayons X par exemple.

Toutes ces nouvelles possibilités nous permettent de repenser notre monde différemment. Là où l’aura nous éloignait du monde, la reproductibilité technique nous en rapproche.

La désacralisation de l’art

Avant, l’art était réservé à un petit nombre, contrôlé par une autorité supérieure. La reproductibilité technique a démocratisé l’art en le rendant accessible et plus proche de chacun. Elle l’a libéré du culte imposé par les instances supérieures.

De nos jours, il est bien plus facile d’accéder à l’art, que ce soit à travers la musique sur nos téléphones ou les films sur nos télévisions. De plus, de nombreux musées proposent des visites guidées en ligne de leurs établissements.

Cependant, cette proximité et la volonté de posséder soulèvent la question du rapport marchand de l’art. Dans un souci de rentabilité, l’art devient une marchandise standardisée pour répondre à une demande. On peut prendre l’exemple de Richard Orlinski, l’artiste l’exprime lui-même en interview : sa volonté est de rendre l’art accessible en créant des œuvres qui correspondent aux goûts du public.

Photo d'une œuvre de l'artiste Orlinski
Richard Orlinski, Nice, 2023

L’uniformisation

Cependant, afin de plaire à un grand nombre, nous sommes contraints de procéder à une uniformisation, car il est impossible de satisfaire chaque individu de manière individuelle. La quête de rentabilité nous pousse dans cette direction.

Il suffit d’observer le mobilier urbain qui, en l’espace de quelques années, s’est uniformisé, perdant ses couleurs et se limitant à l’utilisation de matériaux et de formes réduits pour des raisons économiques.

Conclusion

L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique est un texte essentiel pour l’art, mettant en relation son importance avec son époque et les enjeux qui en découlent. Aujourd’hui plus que jamais, ce texte demeure d’actualité, les questions qu’il soulevait il y a presque un siècle étant toujours présentes.

La reproductibilité technique est actuellement remise en question à l’ère du numérique et de l’informatique. Alors qu’à l’époque de Walter Benjamin, une œuvre d’art était transposable tout en restant tangible, quelle est la valeur de l’œuvre d’art d’aujourd’hui, dont la matérialité numérique pose la question de son authenticité ? Cette tension se reflète dans la société contemporaine. D’un côté, certains cherchent à rendre l’œuvre numérique unique grâce aux NFT et à la blockchain, tandis que d’autres prônent un retour à des pratiques plus traditionnelles, telles que la peinture ou le dessin.

Quoi qu’il en soit, Benjamin avait prédit que tant que l’art servirait le capitalisme, il ne pourrait jamais déployer toute sa puissance.

Du culte de l’œuvre d’art, nous sommes passés à celui de la personne. Du cinéma aux réseaux sociaux, il est évident que l’individu a échangé sa force de travail contre celle de son image. Parfois, l’œuvre d’art est réduite à un simple support de médiation. Ainsi, nous n’achetons pas un portrait de Marilyn Monroe, mais un Warhol. De même, nous n’achetons pas le produit vendu par un influenceur, mais son style de vie.

Peut-être que Walter Benjamin s’est trompé sur un point. Si la large diffusion de l’art devait empêcher l’aliénation des masses, le capitalisme a trouvé un moyen efficace de perpétuer la société de consommation en automatisant le rêve collectif.

Voilà !

J’espère que ce texte vous à plus. Dites moi dans les commentaires ce que vous en pensez ! 😉

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